
« La bougie continua longtemps de consteller mon corps de gouttes de cire, puis ses mains retrouvèrent la moiteur d’entre mes cuisses. Il se pencha sur moi et me mordilla l’oreille avant de murmurer « Tu m’appartiens. Ressens-le au plus profond de toi.». Je me cambrais dans un soupir de plaisir, convaincue que j’aurai pu jouir ainsi. De ses mots. De ma condition. J’avais beau être celle qui se soumettait, celle qui se rabaissait, jamais je ne m’étais sentie autant exister, aussi importante, aussi vivante. Je ressentais cette appartenance avec une violence presque effrayante. Mon désir et mes envies de vivre toutes ces sensations me dépassaient parfois complètement, me laissant une impression de non-contrôle inquiétante. C’était comme un vertige. Je lâchais prise, ne cherchant plus à gérer quoi que ce soit. Je m’en remettais à lui. Je m’abandonnais »
Impressionnée par tant de dévotion, c’est avec respect que je m’adresse à elle car je considère celles qui se font appeler « soumises » comme les détentrices d’un véritable pouvoir de fascination. Je me pose mille questions à son sujet et c’est en choisissant mes mots que je vais l’interviewer.
Bonjour Eva, vos récits semblent parler de vous. Sont-ils inspirés de votre vie ? Quelles sont les parts de vécus dans vos écrits?
Au risque de décevoir, et même si je suis Soumise, il ne s’agit ni de moi, ni de mon histoire. Mes romans ne sont pas autobiographiques, mais j’aime parfois y glisser certaines scènes ou juste quelques situations que j’ai pu vivre. J’aime garder le mystère sur la part de vécu et la part de fiction. Par contre, il est vrai que dans les ressentis et la façon d’appréhender les épreuves, je me base beaucoup sur mes propres émotions. J’ai tendance à décrire la manière dont je réagirais, même si je ne fais qu’imaginer la scène. On dira donc que je projette assez souvent une partie de moi dans mes personnages.
Je ne crois pas que l’on puisse parler de « rôle », on « est » ou on « n’est pas » soumise. À mon sens, se soumettre à un Maître n’est pas quelque chose que l’on peut faire par intermittence. La notion d’appartenance est importante. Elle est totale, profonde, je dirai même qu’on ne la commande pas. Elle s’impose à soi. On se sent possédée ou non. Si c’est le cas, alors on ressent en permanence sa condition de soumise, même s’il n’y a pas toujours la présence physique du Maître. Cependant, je conçois que chacune puisse vivre sa soumission comme elle l’entend, il n’y a pas de règles ou du moins il ne m’appartient pas de les éditer. En la matière, je ne juge pas, tant que l’épanouissement est réel, et la situation vécue volontairement en conscience.
Décider de se soumettre est un acte fort. Contrairement à ce que beaucoup pensent, il faut une grande force de caractère et beaucoup de volonté pour suivre cette voie. Le niveau d’exigence d’un Maître implique des efforts permanents, renouvelés. On ne se contente pas d’obéir. La démarche tant physique que psychologique est une voie difficile, remplie de doutes mais aussi et joies immenses. Alors bien sûr, parvenir à son vœu le plus cher, celui d’appartenir à celui qu’on aura choisi comme Maître est une grande fierté, une source de satisfaction et d’épanouissement. Bien au-delà du sexe.
Comment perceviez-vous le milieu B.D.S.M. avant de commencer à écrire ?
Je ne connaissais pas vraiment le milieu BDSM avant d’écrire, mais sans doute que je sentais en moi des perceptions de soumisssion qui n’en portaient pas encore le nom. Ce sont mes mots qui m’ont fait découvrir le « milieu BDSM ». Lorsque j’ai commencé à écrire Devenir Sienne, j’ignorai tout ou presque de ces pratiques. J’écrivais des situations qui m’excitaient, simplement. Une chose en entraînant une autre, je suis allée de plus en plus loin, et j’ai commencé, en parallèle, à découvrir tout cet univers en me documentant, en questionnant, en rencontrant ces hommes et ces femmes qui m’ont montré les lieux, les pratiques, jusqu’à trouver mon Maître qui m’a initiée.
Qu’est ce qui est venu en premier dans cette histoire, l’amour ou la soumission?
Dans devenir Sienne, je dirai que c’est le désir pour l’autre qui peu à peu est devenu amour, tout en évoluant dans la soumission. Par contre, dans L’Esclave, le cheminement est différent, le désir de soumission est très fort dès le départ alors même que Léna ne connait pas réellement celui qui devient son Maître, les sentiments viennent par la suite.
L’amour doit-il être douloureux ?
Pourrait-on dire de ces pratiques qu’elles peuvent être addictives selon vous ?
Je le pense oui, et j’en ai fait plusieurs fois l’allusion dans mes romans. Les émotions et les sensations sont très fortes et très particulières. Le désir de les ressentir à nouveau, encore et encore, se fait alors très présent. Cette addiction peut aussi avoir des effets néfastes car certaines soumises seront peut-être moins vigilantes quant au Maître qu’elles choisiront pour pouvoir assouvir leur addiction. Beaucoup d’hommes profitent de ces situations alors qu’ils ne sont absolument pas Maîtres mais de médiocres usurpateurs qui ne disposent d’aucunes des qualités physiques et mentales d’un vrai Dominant. Ces hommes-là ne se préoccupent en rien de l’équilibre et de la sécurité de celles qui se donneront à eux. C’est un danger qui guette de nombreuses prétendantes en mal de soumission. Il faut se garder de cela malgré cette envie énorme, et toujours essayer d’en savoir plus sur celui qui s’arroge le « titre » de Maître.