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L’Esclave, fantasme d’une soumise

Dans l’un des épisode de podcast disponible sur ma chaine Youtube, vous pouvez découvrir l’origine de mon second roman, L’Esclave et sa symbolique. J’y parle également de ce que représente pour moi « l’esclave » dans le contexte BDSM.

Pour commencer, pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce roman, et parce qu’il parle de lui-même, en voici le résumé.

Elle se rêvait esclave d’antan, esclave éternelle, sans droit de parler, les yeux toujours baissés, agenouillée ou prosternée aux pieds de son maître. Elle rêvait de chaînes, de fouet, de contraintes. Elle rêvait d’absolu. Plus le temps passait, plus ses fantasmes s’intensifiaient et lui tordaient le ventre d’envie.

Léna ne s’expliquait pas comment une femme éduquée, libre, sans traumatismes physiques ou psychiques, pouvait désirer être ainsi privée de liberté. Comment justifier l’excitation d’être asservie plus encore qu’un animal domestique, de vivre cloîtrée, sans intimité, constamment aux ordres, rabaissée, peut-être même frappée ?

Aux pieds du Maître à qui elle fera don de son corps et de son âme, elle découvrira la soumission, l’extase et la souffrance, jusqu’à devoir faire face à son ultime limite.

Ce second roman a été publié en 2014 aux éditions Tabou. Je crois qu’il n’est simple pour personne de publier un second roman, surtout quand le premier a reçu de bonnes critiques. On se demande forcément s’il va y avoir comparaison, si le second va plaire au moins autant que le premier. L’avantage, sans doute, de ma condition, c’est que l’avis de mon Maître prévaut sur tous les autres et « L’Esclave » lui a tout de suite plu.

Toutefois, j’avoue avoir été vraiment heureuse de découvrir à sa sortie que beaucoup l’appréciaient. Et encore aujourd’hui, je sais qu’il est « le préféré » de beaucoup de mes lectrices, et ça me touche beaucoup, car ce livre est très symbolique pour moi.

En préambule, il est très important de préciser qu’il n’y a pas de définition type. Le BDSM est un univers où chacun pratique comme il l’entend, et se positionne en accord avec ses propres critères, et ses choix de vie. Loin de moi l’idée de catégoriser des pratiques, et encore moins des pratiquants, en les mettant dans des cases. Il ne s’agit pas de cela.

Je ne parlerai pas ici des séances « one shot » que l’on peut imaginer en club ou lors de certains prêts ou échanges. Et je ne parlerai pas non plus des particularités des relations Domina/Soumis, je ne m’en sens nullement légitime, même si j’imagine qu’il y a beaucoup de similitudes. Je vais plutôt m’attarder sur les relations construites et relativement durables.

Il va également de soi que je ne fais nullement référence à l’aspect historique de l’esclavage. Il s’agit ici uniquement d’un contexte BDSM et d’un choix de vie fait en toute liberté d’acte et de pensées.

De mon point de vue, une soumise est par définition soumise à son maître. C’est un engagement, un choix fait par elle, de se donner et par lui, de l’accepter en collier. Un cadre est fixé, les limites clairement annoncées et dans certains cas, un contrat sera signé.

Généralement, la relation évoluera autour de séances qui auront lieu à un rythme qui pourra être très variable. Certaines relations se vivront principalement à distance, et n’incluront que quelques séances par an. D’autres, adultères, seront plus fréquentes, mais peut-être très courtes, et ne permettront pas les nuits. Ou très rarement. D’autres encore se vivront plus fréquemment, et plus librement, mais s’adapteront quoi qu’il en soit à la vie sociale, professionnelle et familiale, de l’un comme de l’autre.

Même si le maître impose à sa soumise nombre de contraintes, de rituels et d’obligations, la soumise gardera des moments de relative indépendance, le contact des membres de sa famille, d’amis, de collègues de travail.

Rares sont les soumises qui évoluent au quotidien, en permanence et en toutes circonstances avec autour du cou un collier, dont le sens est sans équivoque. Et encore plus rares, sont les soumises capables d’être 24 heures sur 24 au service de leur maître.

Et c’est justement ce point qui fait pour moi la différence entre soumise et esclave. Il ne s’agit pas de la volonté ou de la capacité à se soumettre.

Ma définition, et encore une fois, il ne s’agit que de la mienne, c’est la disponibilité physique, mentale et matérielle à se mettre à disposition de son maître en permanence. Mais ça ne fait pas tout, encore faut-il que le maître, lui aussi, puisse, et veuille prendre possession d’elle dans ses conditions.

C’est exactement ce qui se passe dans mon roman, Léna s’offre à son maître comme esclave, et celui-ci la prend entièrement à son service, à demeure.

D’ailleurs, ce maître dispose déjà d’une soumise, mais celle-ci n’a pas le même rôle, elle ne vit pas avec lui en permanence. Sans doute a-t-elle une vie « autre » en parallèle. Et c’est là toute la différence que je fais entre ces deux “conditions”.

Je précise que bien sûr que tous les couples vivant ensemble et pratiquant le BDSM ne sont pas « maître et esclave », et ne peuvent pas l’être, surtout s’il y a des enfants. Le fait de vivre sous le même toit n’est évidemment pas le seul critère.

Quel que soit le contexte, dans notre société moderne, il est presque impossible de se donner à 100%.

Dans les relations BDSM, il est très important que tout soit pleinement consenti. Il ne doit y avoir aucun doute là-dessus pour la soumise, comme pour le maître. À tout moment, si la situation ne lui convient plus, elle doit pouvoir partir sans être retenue par des contraintes matérielles.

Une esclave, qui vit chez son maître, qui n’a pas de travail ni de vie sociale, risque de se retrouver dans une situation complexe si sa condition ne lui convient plus, surtout si son maître n’est pas bienveillant.

Mon maître me dit toujours que ma seule liberté, c’est de Lui rendre mon collier. Mais reprendre sa liberté n’implique pas les mêmes choses, que l’on soit soumise ou esclave. D’ailleurs si j’allais au bout de ma logique, une esclave ne pourrait pas réellement « choisir » de reprendre sa liberté. Ce qui peut amener à des situations compliquées.

C’est conscient de cette situation que dans mon roman, le maître de Léna accepte de l’avoir pour esclave pour une année seulement, évoquant justement que cette condition pourrait se révéler malsaine au bout d’un certain temps. Il s’assure qu’elle retrouvera logement et travail après ce laps de temps, et s’engage à l’accompagner dans son retour à la vie normale.

Ce principe se retrouve dans tous mes romans d’ailleurs. Toutes les soumises dont j’écris les histoires sont capables de reprendre leur liberté sans se heurter aux complexités matérielles. À ce titre, elles sont finalement plus libres que bien des femmes en couple “vanille” qui souhaiteraient quitter leurs conjoints, mais ne le peuvent pas, pour plein de raisons. Mais c’est un autre sujet.

Je me suis aussi appliqué à ce que tous les maîtres de mes romans aient à cœur cette préoccupation. Que ce soit Hantz, dans marquée au Fer, qui pousse Laura à faire des études. Aymeric dans Plurielles qui a pour critère, entre autres, que ses soumises gardent un emploi, ou même Tristan qui pousse Ange à prendre confiance en elle et à écrire.

Tous font en sorte de laisser une porte de sortie à leurs soumises. Je pense que c’est un élément très important à prendre en compte lors d’une rencontre.

Si le dominant cherche à couper du monde sa soumise et à la rendre matériellement dépendante, alors il y a un risque qu’il soit davantage pervers narcissique que véritablement maître BDSM.

Une soumise reste par choix, elle se bat pour conserver son collier. C’est ce qu’elle veut plus que tout. Elle ne doit jamais devoir rester pour de mauvaises raisons.

C’est pour ça qu’à mes yeux, il est difficile, voire impossible, d’être véritablement « esclave ». Qu’arriverait-il si un jour le maître se lasse et ne veut plus d’elle, comment retrouver une vie normale après un tel isolement, au-delà du traumatisme du rejet ?

Toutefois, je conçois très bien que ce soit un fantasme ! C’est d’ailleurs l’un des miens, d’une certaine façon, et mon roman L’Esclave n’est rien d’autre que l’expression de ce fantasme.

Une vie d’absolue soumission, totalement dédiée à son maître. Ne plus avoir de limites ni le moindre libre arbitre, à aucun moment. Et pas seulement quelques heures ou quelques jours, entrecoupés de moments autres…

Ce livre, c’était une façon de dire à mon maître ce que j’aurais aimé pouvoir être pour lui, tout en ayant conscience que c’était impossible. Surtout sur le long terme pour toutes les raisons évoquées précédemment. Je sais d’ailleurs que Lui non plus ne souhaiterait pas d’une relation si extrême à long terme.

Mais l’idée est excitante et troublante. Ce désir d’extrême je le retrouve régulièrement dans mes mots, même si au début de ma relation, je n’en avais pas vraiment conscience. Il m’est arrivé, et m’arrive encore de dire ou d’écrire que je suis « Son esclave dans l’âme ». Une façon de dire que sans être véritablement esclave, au fond de mon âme, c’est ce que je voudrais pouvoir être.

J’ai aussi remarqué qu’en séance, dans des moments intenses où je vis pleinement, mais où je ne réfléchis plus vraiment, si mon maître me demande qui je suis, je Lui réponds toujours spontanément « Votre esclave » et jamais « Votre soumise », alors que selon ma propre définition, je suis sa soumise.

C’est en ce sens que je disais au début que chacun doit vivre et se définir comme il l’entend. Rien ne devrait être figé ou hiérarchisé. L’important est de vivre sa relation en adéquation avec soi-même et avec son partenaire. Et de ce fait, il est justement très important de communiquer avec l’autre lors d’une rencontre, car la définition de l’un n’est pas forcément la définition de l’autre et mieux vaut éviter les quiproquos.

D’une certaine façon, mon fantasme de soumise, d’être esclave, a doucement évolué avec moi, tout au long de mon cheminement auprès de mon maître. Quelques années après, on retrouve dans “Abnégation” ce désir d’extrême et de huis clos. 

Au-delà de la disponibilité, être esclave, c’est aussi à mon sens, être dépourvue de toute notion de limites.

Souvent, lorsque des soumises me parlent de leurs pratiques, elles évoquent certaines choses qu’elles ne font pas et qu’elles refusent. Pour certaines, ce sera la pluralité, pour d’autres certains actes SM ou même certaines pratiques sexuelles, l’exhibitionnisme ou les humiliations. Ce que l’une voudrait absolument vivre sera la limite d’une autre. Et c’est bien ainsi, nous sommes toutes différentes.

De même que certains maîtres ont leurs préférences et considèrent certaines limites comme inacceptables, alors qu’eux-mêmes n’auront pas certaines pratiques.

L’important, et le plus difficile, est de trouver la bonne personne et d’être en accord sur tout ce qui est important. D’autant plus en sachant qu’il n’est pas rare, que dans ce type de relation, le but soit souvent de dépasser, ou de faire dépasser une limite.

Lorsque j’ai fait part à mon maître de ce que j’estimais être mes limites, lors de nos premiers échanges, je lui ai parlé des aiguilles et des traces indélébiles sur ma peau. Il ne s’agissait pas de pratiques qui lui tenaient à cœur, ça ne lui posait donc pas de problème de ne pas me les imposer.

Quelque temps après, c’est moi qui Le suppliais de me faire vivre les aiguilles. Et quelques années plus tard, je lui parlais de mon fantasme du marquage au fer.

Les limites évoluent dans le temps et c’est inévitable, à moins peut-être d’être une soumise expérimentée qui se connaît très bien. Et encore, qui sait si un autre maître ne saura pas l’emmener sur un chemin différent ?

Il est toutefois d’usage que la soumise ait des limites qu’elle expose au maître avant de débuter une relation, cela peut donner lieu à une clause précise dans un contrat.

La différence avec l’esclave, c’est qu’elle n’est pas censée avoir de limites. Toujours dans ma définition bien sûr, elle n’a aucun libre arbitre. Aucun contrôle, aucun interdit. On rejoint alors cette « abnégation » ultime dont il est question dans mon autre roman.

Je pense qu’il est très rare (et sans doute un peu dangereux), surtout pour une novice, de se croire sans limites. Même si encore une fois, c’est un de mes fantasmes de l’être, je ne peux que constater que c’est illusoire.

Si les limites évoluent et si certaines se brisent, du fait de la soumise elle-même ou par la volonté et la capacité du maître, à l’emmener au-delà, d’autres peuvent s’imposer.

Parfois, il s’agira de pratiques auxquelles on n’avait pas pensé (d’où l’intérêt de bien s’informer au départ). Qui par exemple, de nos jours, pense naturellement à exclure la zoophilie de ses pratiques ? C’est quelque chose qui ne me serait pas venu à l’esprit tant ça me semble évident, et pourtant lorsque j’ai lu le roman Soumise de Salomé, certaines scènes avec un chien m’ont… surprise.

Mais alors peut-on vraiment vouloir se lancer dans une relation sans aucune limite ? Combien de soumises ai-je entendues dire « je suis prête à tout pour mon maître » ? Les mots sonnent bien, mais qu’en est-il en réalité ? Est-ce que ce n’est pas seulement une façon de parler ? Ne faut-il pas avoir déjà une profonde confiance et connaissance de l’autre pour dire ça ?

Je me souviens qu’au début, moi aussi, j’aimais dire ces mots à mon Maître, mais je ne me sentais pas pleinement honnête.

Au plus profond de moi, et malgré mon fantasme d’esclave, je n’aurais pas été prête à me couper complètement du monde et de mes proches pour vivre seule dans une cave, uniquement disponible pour lui, alors qu’il ne me solliciterait que quelques heures par-ci par-là. Je n’aurai pas non plus été prête à être mise à disposition de tout un tas d’autres hommes.

Ce ne sont que des exemples, mais cette incohérence me troublait. Nous en avions donc parlé, car j’avais eu besoin de lui faire part de cette contradiction.

Toutefois, la grande majorité de ce que je n’étais pas prête à vivre, il n’avait pas le souhait de me l’imposer. Nous étions donc sur la même longueur d’onde. Je pouvais dire que j’étais prête à tout ce qu’il souhaiterait m’imposer. Nous étions d’accord sur le sens du mot “tout”.

À mes yeux, être esclave ne se résume pas non plus à rester enfermée dans une cave, bien entendu.

Tel que je l’imagine, et tel que je l’écris dans mon roman, il s’agit surtout d’une présence de chaque instant, d’un service permanent, d’une disponibilité sexuelle totale, et d’une acceptation pleine et entière d’absolument tout. Que ce soit de la pluralité, du SM, des prêts, ou même, des périodes d’ignorance et d’inutilité.

Il est bien sûr également question d’amener l’esclave à être parfaitement conforme aux attentes, mais c’est aussi le cas pour la soumise.

Je pense que lorsqu’on connaît très bien son partenaire, il est certainement possible d’avoir une telle relation sans aller au-delà de ce que l’autre peut supporter, car c’est induit. Être esclave ne veut pas dire qu’il n’y a rien d’autre que de la servitude d’un côté, et des ordres de l’autre. Rien n’empêche, à mon sens, une vraie complicité et des moments privilégiés. Mais je trouve que ce terme amène quand même à avoir cette notion d’extrême, et de distance, qui diffère des relations maîtres soumises que l’on rencontre plus fréquemment.

Être esclave implique donc pour moi de n’avoir aucune limite et d’être en permanence à disposition de son Maître, à demeure. Cela implique de ne pas avoir de vie personnelle, familiale ou professionnelle et de consacrer entièrement sa vie à son maître.

À mes yeux c’est un fantasme qu’il n’est pas nécessaire de réaliser sur le long terme, mais pourquoi pas quelque temps, dans le cadre d’une relation de totale confiance ? Bien que le côté provisoire rende finalement fausse cette notion d’esclave, l’aperçu de ce mode de vie et une immersion totale dans cette condition doivent être particulièrement enrichissants. Pour l’un comme pour l’autre. Et apporter des émotions très particulières.

C’est précisément ce que décident de vivre les personnages de mon autre roman abnégation, car sans en avoir eu conscience au départ, je trouve que ces deux romans sont assez complémentaires.

Je serai curieuse d’avoir votre avis sur ce sujet et de connaître vos propres définitions et les différences que vous faites entre « soumise » et « esclave » ? Vous définissez-vous plus comme l’une que l’autre ? Est-ce que c’est pour vous un fantasme et si oui, auriez-vous envie de le réaliser vraiment ? N’hésitez pas à laisser un commentaire.

Esclave : fantasme de soumise

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